8 août 2019 Cédric de Solenvie

Zéro artificialisation nette des sols : le gouvernement prépare sa feuille de route

La France s’est fixée l’objectif de zéro artificialisation nette des sols. France Stratégie vient de présenter ses pistes pour y parvenir. Son rapport servira au nouveau groupe de travail installé par le gouvernement pour élaborer sa feuille de route.

Le 25 juillet, les ministres de la Transition écologique, de l’Agriculture et de la Cohésion des territoires ont installé un groupe de travail partenarial, chargé d’identifier les « mesures opérationnelles » permettant d’atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » des sols, inscrit dans le plan biodiversité. En juillet 2018, l’ex-ministre Nicolas Hulot présentait ce plan avec deux priorités : la lutte contre l’artificialisation des sols et les méfaits de l’agriculture intensive. La mesure phare du plan est un meilleur contrôle de l’aménagement du territoire et des opérations d’urbanisme pour lutter contre l’étalement urbain.

Préparer une feuille de route d’ici fin 2019

Un an après le lancement du plan, reste au gouvernement à déterminer à quelle date l’objectif du zéro artificialisation pourra être atteint et la trajectoire pour y parvenir. Le groupe de travail est mis en place pour évaluer les solutions. Il est composé des acteurs représentant la société civile, de parlementaires et d’associations d’élus, d’ONG et de représentants d’aménageurs pour « échanger sur les enjeux et construire la trajectoire nationale de la France vers l’objectif fixé », indiquent les ministères dans un communiqué commun.

Le groupe « poursuivra le travail de connaissance et d’observation du phénomène d’artificialisation pour parvenir à une trajectoire et des outils de mesure opérationnels ». Un observatoire national de l’artificialisation a été mis en ligne début juillet 2019. Le groupe « [associera] étroitement les territoires aux travaux et aux propositions », poursuivent les ministères.

Selon le plan biodiversité, le groupe de travail sera chargé de faire des propositions (instruments économiques, mesures règlementaires ou autres) « pour favoriser le recyclage urbain, mieux intégrer les enjeux de préservation des espaces naturels et agricoles dans les politiques et documents d’urbanisme ». Ce groupe « pourra examiner l’opportunité d’étendre l’approche « éviter, réduire, compenser » les impacts sur l’environnement à l’ensemble des projets d’aménagement commercial et logistique », précisait le plan.

Le groupe de travail se basera sur les recommandations formulées dans trois rapports, commandés par le gouvernement. Ces rapports ont été remis par le Comité pour l’économie verte (CEV), le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et par France Stratégie. Ces trois organismes « ont permis de dégager les axes de travail pour aboutir à la fin de l’année 2019 sur des propositions au gouvernement, complémentaires des actions déjà engagées », soulignent les ministères.

France Stratégie propose une trajectoire à horizon 2030

Dans son rapport publié le 23 juillet, France Stratégie a étudié trois scénarios, avec l’objectif de freiner l’artificialisation à horizon 2030. En moyenne, 20.000 hectares d’espaces naturels par an sont actuellement artificialisés en France, rappelle France Stratégie.

ais si aucune mesure n’est prise pour inverser la tendance, ce sont 280.000 hectares d’espaces naturels « supplémentaires qui seront artificialisés d’ici 2030 », prévient l’étude. Soit un peu plus que la superficie du Luxembourg pour comparaison. Ce premier scénario dit « tendanciel » est « catastrophique », alerte Julien Fosse, l’auteur principal du rapport.

Le deuxième scénario envisage une « densification forte » qui, en revanche, permettrait de diminuer la consommation d’espaces naturels à 5.500 hectares par an d’ici 2030. Cette réduction est due à l’augmentation du taux de renouvellement urbain (qui passerait de 0,43 à 0,6, selon les calculs de l’auteur), combinée à la hausse du taux de densité de l’habitat (de 0,16 à 0,4). »Ce résultat met en lumière la part non négligeable qu’une politique d’urbanisme favorisant le renouvellement et la densification de l’habitat pourrait jouer dans la lutte contre l’artificialisation », souligne M. Fosse.

Le troisième scénario « complémentaire » ajoute, au « durcissement » des règles d’urbanisme, un renchérissement des terres (avec un prix multiplié par 5), et une baisse des logements vacants (de 8 % à 6 %). Ce qui réduirait le nombre d’hectares artificialisés à 3.650 hectares par an d’ici 2030. Mais ce scénario nécessiterait des mesures « difficiles à mettre en oeuvre ».

Le « scénario « densification forte » paraît, en regard, bien plus accessible », conclut l’auteur. Atteindre le « zéro artificialisation nette » dès 2030 « appelle des mesures ambitieuses », ajoute-t-il. Au premier rang desquelles : modifier les règles d’urbanisme pour favoriser le renouvellement urbain et la densification de l’habitat, et « renaturer » les espaces artificialisés « laissés à l’abandon ». Ce qui nécessiterait de réduire de 70 % l’artificialisation brute et de renaturer 5.500 hectares de terres artificialisées par an à horizon 2030, estime France Stratégie.

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