19 août 2019 Cédric de Solenvie

Giec: le réchauffement menace aussi le sol

Dans la synthèse qu’il publie, aujourd’hui, de son dernier rapport spécial, le Giec rappelle l’importance du sol pour notre environnement, notre mode de vie et notre capacité à stabiliser le réchauffement. Le détruire ou l’artificialiser, comme nous le faisons, c’est affaiblir les écosystèmes et leurs services, diminuer notre accès à l’eau, accroître notre insécurité alimentaire. Dans un contexte d’irrépressible réchauffement.

C’est à un socle méconnu de la vie auxquels se sont intéressés les spécialistes du climat. Dans son dernier rapport spécial, dont il publie aujourd’hui la synthèse, le Giec n’a pas ciblé son expertise sur les gaz à effet de serre (GES), les modèles mathématiques, les énergies renouvelables ou la géo-ingénierie, mais sur le sol.

Puits et source de carbone, l’écosystème terrestre est aussi le réservoir d’une grande partie de la biodiversité, le berceau de notre production alimentaire. Epuration et stockage d’eau, réceptacle de nombreuses ressources, il rend aussi de grands services à l’homme et à la nature.

Puits ou source de GES ?

A tort, l’humanité peine à considérer le sol comme un élément fondamental de sa survie. Sans sol, rappellent pourtant les auteurs du rapport spécial, point d’agriculture (4% du PIB mondial), pas de services environnementaux (estimés entre 10 et 25% du PIB mondial). En pleine accélération, la déforestation et le développement de l’agriculture font aussi des sols d’importants émetteurs de CO2, de méthane et de protoxyde d’azote : les trois principaux gaz à effet de serre. «Environ 22% des émissions anthropiques de gaz à effet de serre sont issues de l’agriculture, de la foresterie et d’autres usages des terres», résument les auteurs.

Et cela pourrait s’amplifier. Car, nos activités affectent déjà plus de 70% des terres émergées libres de glace. Plus du quart de la production végétale planétaire est transformée en nourritures, en fibres et en énergie. Considérable !

Vitaux, les sols sont pourtant bien maltraités : près d’un quart des terres est dégradée par les activités humaines. Les zones côtières de basse altitude, les deltas des rivières (à la riche biodiversité !), les régions de permafrost figurent au rang des biotopes les plus menacés. Si rien ne change, nos civilisations détruiront deux fois plus de sol que la terre ne pourra en produire. Le jour du dépassement, grandeur nature !

Menaces sur les infrastructures …

A ces dégradations s’ajoutent les effets du réchauffement. Entre 1850 et 2018, la température moyenne a bondi de 1,5°C au dessus des continents. La montée du mercure a amplifié les conséquences de ce réchauffement: «les vagues de chaleur sont devenues plus fréquentes ou plus intenses […]». Sans changement drastique de nos pratiques, l’avenir s’annonce des plus sombre: «la fréquence et l’intensité des sécheresses devraient augmenter en Méditerranée, en Europe centrale, dans le sud de l’Amazonie et dans le sud de l’Afrique.» Chaleur intense et pluies plus rares mais plus torrentielles réduiront la production primaire mais accroîtront l’érosion. De quoi réduire la capacité des sols à absorber le CO2 atmosphérique et accessoirement à nourrir les cultures.

De quoi perturber la vie des populations. En faisant fondre le permafrost, le réchauffement risque de détruire les infrastructures des régions polaires: voies de chemin de fer, routes, pipelines, immeubles. Les prémisses de ces changements s’observent déjà en Sibérie.

Autres cieux, autres risques. Dans les régions arides, les changements climatiques vont réduire la productivité des cultures et de l’élevage, abraser la biodiversité. Sous un climat réchauffé de 2 °C, plus de 500 millions de terriens pourraient se retrouver confrontés au stress hydrique. Les migrations climatiques ne vont pas cesser de sitôt.

… et sur les cultures

Sous le soleil du satan carbonique, les grandes cultures, comme le riz, seront probablement moins productives, moins nutritives (déficit en protéines et en zinc). De quoi doper leur prix. De quoi aussi réduire la sécurité alimentaire de nombreuses régions du monde. A commencer par les pays arabes qui importent, en moyenne, plus de 40% de leur alimentation. Selon certaines évaluations, ce taux pourrait friser les 70% à l’horizon de 2050. Le climat deviendra de plus en plus aride en Asie du sud, orientale et centrale, en Afrique de l’ouest.

Les effets du réchauffement pourront être accrus ou minorés. Tout dépendra de «notre réaction». Si nous n’infléchissons pas les tendances actuelles, la population mondiale continuera d’augmenter rapidement, de même que ses revenus. Et conséquemment ses besoins en énergie, en logement, en infrastructure, en nourriture, en eau. De quoi diminuer un peu plus la quantité de sol disponible ; réduire la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau potable, accroitre les émissions de GES.

A contrario, une réduction drastique de la consommation de viande (très émettrice de GES et consommatrice de sols), une généralisation des techniques d’agroforesterie, une amélioration du stockage et des transports des denrées alimentaires pourraient inverser la vapeur carbonée. Et «accessoirement» émousser la lame du rabot de la biodiversité.

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http://www.journaldelenvironnement.net/article/le-rechauffement-menace-aussi-le-sol,98896